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Laurent Dairaine

Stratégie de réutilisation des contenus numériques

Mis à jour le

 Résumé exécutif

La nature dynamique et réactive de l’ère numérique conduit à créer, gérer et utiliser efficacement les contenus numériques, en particulier dans le contexte de l’enseignement supérieur. De nombreux défis rendent la tâche complexe à réaliser à grande échelle, notamment :

  • la gestion d’une lourde charge avec une volonté d’agilité pour produire de tels contenus,
  • la maintenance de ces contenus, y compris dans un contexte d’utilisation distribuée,
  • la gestion des actifs que constituent ces contenus numériques disséminés,
  • la gestion de la propriété intellectuelle et de la sécurité,
  • le suivi des apprentissages lors de l’utilisation des contenus,
  • garantir la maintenance et la la cohérence des contenus, l’adéquation entre la production des contenus et les besoins des apprenants.

Cet article présente une stratégie innovante visant à maximiser la valeur des contenus et relevant ces défis. Elle est centrée sur l’écosystème NaaS – Nuggets as a Service axé sur la réutilisation de microcontenus ou « Nuggets ». Ces Nuggets sont des micro-contenus en ligne, dont la conception et le support techno-pédagogique facilitent la réutilisation, la consommation et le partage, augmentant ainsi la valeur et l’efficacité de la stratégie.

Le NaaS est un écosystème techno-pédagogique complet, basé sur plusieurs composants méthodologiques et techniques. On distingue notamment un ensemble de services mutualisés proposés par l’Éditeur du NaaS et utilisés par l’ensemble des partenaires (i.e., établissements producteurs ou utilisateurs) et une partie sous responsabilité opérationnelle des différents établissements d’enseignement visant à présenter les Nuggets aux apprenants. Actuellement, l’ISAE-SUPAERO joue le rôle à la fois d’éditeur du NaaS et d’établissement d’enseignement.

Les cas d’usages ont déjà démarré au sein de l’ISAE-SUPAERO et chez certains de ses partenaires. Ils promettent une gestion améliorée des contenus numériques, une meilleure utilisation des ressources existantes, une production de contenus plus ciblée et une meilleure expérience pour les apprenants. Des exemples de mises en œuvre réussies de NaaS fournissent des preuves tangibles de ces avantages.

En conclusion, l’adoption d’une stratégie de réutilisation de contenus numériques utilisant des Digital Nuggets et l’approche NaaS offre un potentiel considérable pour améliorer la gestion des contenus numériques dans le secteur de l’enseignement supérieur. Avec l’évolution continue de la technologie, les opportunités pour améliorer davantage l’utilisation des contenus numériques sont vastes et encourageantes.

 Introduction

La société vit actuellement, avec le digital, une (r)évolution significative de l’ensemble de ses activités. Cette transformation signifie la modernisation des métiers et des services, avec tout ce que cela implique en termes de changements des méthodes et des techniques pour y parvenir. Si les services numériques ne sont que de nouveaux outils, certaines de leurs caractéristiques, par exemple la rupture d’unité de temps et de lieu, les capacités de stockage ou de traitement allant jusqu’à une forme d’intelligence, ouvrent de réelles opportunités et peuvent remettre en question la plupart de nos modalités de fonctionnement. L’impact du digital, l’usage du numérique, est vaste : communication, technologie, innovation, systèmes d’informations, logistique, collaboration et bien sûr l’enseignement et la pédagogie.

Les établissements d’enseignement supérieur ont intégré cette révolution et mettent en œuvre différents outils numériques qui améliorent l’expérience pédagogique offerte aux apprenants. C’est notamment le cas des plateformes pédagogiques ou LMS (Learning Management System) qui facilitent la mise à disposition de ressources et d’activités numériques et l’élaboration de scénarii pédagogiques hybridés. Par ailleurs, certaines équipes se sont lancées dans la production de formations en ligne telles que les MOOC (Massive Online Open Courses), les SPOC (Small Private Online Courses), voire des programmes en ligne diplômants, permettant ainsi un déploiement agile et massif de l’enseignement.

La digitalisation -et notamment la production de contenus numériques- constitue néanmoins un effort très important et particulièrement chronophage pours les équipes pédagogiques. Pourtant, malgré leur coût de production, ces contenus sont souvent produits pour des enseignements spécifiques et restent finalement très peu réutilisés et mutualisés.

Cependant, dans l’élaboration d’un dispositif numérique pour l’enseignement, il existe un potentiel de réutilisation d’une partie des contenus numériques pédagogiques produits. L’idée est ici d’identifier et d’extraire les contenus réutilisables, et de les produire avec une attention particulière pour en faciliter l’usage dans d’autres contextes de formation, soit par l’auteur lui-même soit même par d’autres enseignants.

Dans cet article, nous proposons une approche originale qui développe cette idée, centrée sur la notion de micro-contenus réutilisables en ligne appelés « Nuggets ». L’enjeu est ici d’augmenter la valeur des contenus numériques et de rationaliser les efforts à produire par les équipes pédagogiques et techniques afin de rendre plus accessible le numérique pour l’enseignement.

 Défis de la production de contenus numériques

La production de dispositifs de formation hybride ou en ligne constitue une formidable opportunité pour engager une ingénierie de production de contenus et explorer les enjeux du numérique pour l’enseignement. Voici quelques exemples de modalités pouvant tirer parti des contenus produits dans ce contexte :

  • Les MOOC (Massive Online Open Courses) : des formations de masse, proposées gratuitement sur des plateformes publiques, avec un modèle économique éventuellement pour la certification ou d’autres services avancés.
  • Les SPOC (Small Private Online Courses) : il s’agit de formations spécialisées, destinées à de petits groupes d’apprenants en formation continue.
  • Les classes illustrées : développement de contenus et/ou l’usage de services numériques (EdTech) utilisés dans les enseignements présentiels afin d’améliorer la compréhension, l’engagement des apprenants en fonction de la notion enseignée,
  • Les classes inversées : approches consistant à proposer des contenus pédagogiques préenregistrés accessibles en autonomie, en amont de la rencontre physique avec l’enseignant.
  • Néanmoins, la production de programme hybrides ou en ligne constitue pour l’enseignant (chercheur) et l’équipe d’ingénierie pédagogique un véritable projet d’envergure. Dans tous les cas, elle induira surement l’utilisation de contenus numériques permettant d’autonomiser l’apprenant dans une partie de ses apprentissages : c’est l’apprenant qui se forme vs l’enseignant qui le forme.

La création et l’utilisation de telles ressources induit cependant un certain nombre de défis à relever : 

  • Charge de production & agilité : La création de contenus numériques pour une formation à distance constitue un véritable projet, demandant un investissement long et important pour l’enseignant, même s’il peut être largement accompagné d’une équipe spécialisée dans la formation en ligne. Il s’en suit souvent la traversée d’un long tunnel pour la réalisation des ressources pédagogiques numériques. Il serait pourtant souhaitable de produire certains contenus et programmes plus rapidement, de manière agile, afin de répondre à des besoins urgents et spécifiques ou de bénéficier rapidement des éléments produits.
  • Maintenance : l’amélioration continue des ressources pédagogiques constitue un élément important, notamment si on envisage que ces contenus numériques soient réutilisés dans des contextes différents et distribués, sachant que leurs évolutions doivent pouvoir être diffusées le plus efficacement possible partout où ils sont utilisés. S’ils étaient dupliqués dans différents cours, sur différentes plateformes, ils devraient être mis à jour à chaque endroit où ils ont été effectivement intégrés.
  • Gestion de contenus : la gestion des actifs que constituent les contenus numériques constituent un défi, notamment lorsqu’il s’agit de gérer une grande quantité de contenus à destination de plusieurs formations sur plusieurs plateformes pédagogiques distribuées. Cela peut entraîner un manque de cohérence, des difficultés à trouver des ressources, et une mauvaise expérience apprenant.
  • Propriété intellectuelle & sécurité : La reconnaissance du travail d’auteur, la cession de droits d’usage dans un contexte pédagogique défini entre l’auteur et l’établissement producteur et la maitrise de l’espace de distribution du contenu sont des questions importantes à traiter dans un contexte de production numérique professionnelle. Néanmoins, compte tenu de la complexité de mise en œuvre de telles contraintes, l’alternative consiste souvent soit à limiter la diffusion à son propre établissement au sein de la plateforme pédagogique locale, soit à proposer son contenu pour tous, en open education.
  • Suivi des apprentissages : L’objectif reste in fine de créer un processus d’apprentissage pédagogiquement efficace et performant pour les apprenants concernés. Or, l’usage du numérique permet un suivi pédagogique précis des activités de chaque apprenant. Chaque contenu pourrait ainsi être une source très utile pour déterminer d’une part si ce contenu est efficace, et d’autre part si un apprenant particulier rencontre des problèmes pendant son apprentissage. 
  • Sous-utilisation des ressources numériques : de précieuses ressources numériques ne sont pas pleinement utilisées dans le contexte de l’enseignement supérieur. On a trop souvent des contenus à usage unique, une utilisation limitée des contenus, qui sont ensuite oubliés pour tous les contextes où ils pourraient être utiles. Ces ressources pourraient être partagées ou réutilisées pour renforcer l’apprentissage, mais elles sont souvent cloisonnées dans des cours ou des départements spécifiques. C’est une perte importante de valeur pour ces ressources car, s’ils étaient produits, gérés et diffusés de manière adaptée, elles pourraient être réutilisées pour différents programmes de formation et différents publics d’apprenants.

La complexité, le temps de production et toutes les difficultés qui sont évoquées ci-dessus induisent une certaine réticence du corps enseignant dans la production de tels contenus et de ce fait une certaine difficulté à mobiliser les acteurs de l’enseignement pour la réalisation de produits digitaux.

 Stratégie de réutilisation des contenus numériques

L’enjeu est d’organiser la production et de constituer un capital de ressources numériques pédagogiques réutilisables tout en répondant aux défis identifiés. Il s’agit en particulier de renforcer l’ingénierie de production de contenus numériques pédagogiques en intégrant la contrainte de réutilisation dès le début du projet, dans la perspective de les utiliser selon différentes modalités, dans différentes formations. C’est aussi pour l’établissement offrir à ses apprenants l’accès à une base importante de contenus numériques dont la qualité est garantie par l’établissement.

La stratégie de réutilisation consiste ainsi à coupler la production de formations intégrant du numérique pour produire systématiquement des contenus réutilisables, comme illustré dans le schéma suivant :

Chaque enseignement intégrant peu ou prou de numérique et nécessitant la création de contenus est une opportunité pour les produire, au moins en partie, de manière « réutilisable ». Afin d’optimiser cette réutilisation, nous nous sommes orientés vers des micro-contenus, publiés dans un entrepôt centralisé et proposés par un service en ligne. Cet écosystème est conçu pour répondre aux besoins de la stratégie évoquée ci-dessus, dans une perspective coopérative inter-universitaire, afin d’augmenter les capacités de réutilisations transverses.

A l’ISAE-SUPAERO, nous avons appelé « ADN » pour « Aerospace Digital Nuggets », nos micro-contenus pédagogiques réutilisables en ligne et utiles pour l’enseignement de l’aéronautique et de l’espace. Ces objets correspondent ainsi à des micro-contenus courts de moins de 30 mn en temps d’apprentissage, qui permettent de morceler certains contenus des enseignements tout en permettant d’aborder une notion complexe. Chaque ADN est typiquement composé d’un apport pédagogique, constitué par exemple de textes, images ou vidéos, augmentées d’interactions avec l’apprenant. Ces interactions peuvent être réalisées au travers de quiz formatifs ou d’exercices d’application à partir d’un énoncé utilisant une simulation ou d’expériences scientifiques digitalisées[1] par exemple.

Une fois publiés dans l’entrepôt, l’ADN est intégrable dynamiquement, sans copie d’information, dans des plateformes pédagogiques variées et distribuées.
Cette stratégie structurée autour d’un entrepôt centralisé et proposant un accès en ligne aux Nuggets, développe de nombreux avantages et permet de répondre, au moins en partie, aux défis identifiés dans la section précédente.

  • Charge de production & agilité : la production de l’ensemble des contenus sous la forme d’ADN n’est pas plus rapide en soi, voire un peu plus longue car elle demande à intégrer quelques contraintes pour optimiser leur réutilisation, par exemple la décontextualisation. Mais le fait de pouvoir formellement structurer un projet en un ensemble de contenus dont certains réutilisables est compatible avec une approche de développement Agile, et permet de disposer de l’ADN dès qu’il est publié. On peut donc envisager de détendre les contraintes de production, et donner une valeur aux contenus au plus tôt.
  • Maintenance : le fait de pouvoir disposer d’un entrepôt de gestion centralisé des ADN et de ne pas avoir à dupliquer les contenus pour leur déploiement dans des plateformes pédagogique distribuées comme s’est par exemple le cas avec le format SCORM[2], facilite considérablement le processus de maintenance. En cas de correction ou d’évolution, l’auteur peut modifier son ADN et le republier : les plateformes intégrant ce contenu proposeront directement la dernière version du contenu numérique.
  • Gestion du contenu numérique : la gestion centralisée des ADN permet aux auteurs de disposer d’outils de recherche, de gestion de version, de métadonnées, de gestion de la propriété intellectuelle répondant aux exigences souhaitées. Les établissements producteurs peuvent aussi gérer leurs auteurs, les différents espaces de distribution des Nuggets et les licences possibles et toutes les informations afférentes à l’institution.
  • Propriété intellectuelle & sécurité : l’architecture basée sur un objet pédagogique relativement cadré et sa diffusion via un entrepôt centralisé facilite la maîtrise de ces éléments. Idéalement, l’auteur du contenu et son établissement peuvent définir des espaces de distribution (p.ex., son établissement, un ou plusieurs groupes d’établissements, Internet, etc.) et des licences associées à chacune des situations. On peut même imaginer un modèle économique d’échange de certains contenus à haute valeur pédagogique. 
  • Suivi des apprentissages : l’accès des apprenants aux ADN centralisés, via leur plateforme d’apprentissage distribuée, permet d’obtenir des traces d’apprentissage à 360° concernant les utilisations des contenus par les apprenants des différentes formations les intégrant. Il s’en suit la génération de données d’apprentissage riches permettant par exemple aux auteurs, de bénéficier d’outils efficaces et réalistes d’amélioration des performances de leurs contenus. Les apprenants, s’ils l’acceptent, pourraient se voir proposer des recommandations sur les prochains contenus à étudier.
  • Sous-utilisation des ressources numériques : micro-contenus décontextualisés, centralisation dans un entrepôt, distribution des contenus vers des plateformes pédagogiques distribuées, gestion des de la propriété intellectuelle, espaces de distribution maitrisés : les conditions sont réunies pour faciliter la réutilisation de contenus, à commencer par l’auteur lui-même mais également par une équipe d’enseignement, voire par différents établissements dans le cadre de la réalisation agile de modules de formations hybrides.

 Mise en œuvre des contenus numériques avec l’écosystème NaaS

Pour mettre en œuvre cette stratégie de réutilisation de contenus pédagogiques, nous avons conçu un écosystème appelé « NaaS » pour « Nuggets as a Service ». Il s’agit essentiellement d’une approche intégrée et orientée service pour fournir, à la demande, des composants pédagogiques réutilisables.

La figure suivante illustre l’écosystème mis en oeuvre :

Le NaaS est un écosystème techno-pédagogique complet, basé sur plusieurs composants méthodologiques et techniques. On distingue en premier lieu une partie mutualisée (sur fond gris), gérée par l’Éditeur NaaS qui sera utilisée par l’ensemble des partenaires (i.e., établissement producteurs ou utilisateurs) et une partie sous responsabilité opérationnelle des différents établissements d’enseignement.

La "Digital Nuggets Factory" est une méthodologie soutenant la conception des micro-contenus numériques réutilisables en ligne et leur mise en œuvre avec l’outil auteur : Nugget Editor. Cet outil offre les moyens de produire des ADN basés sur un cahier des charges précis, en partageant éventuellement leur création entre plusieurs personnes. Les contenus s’appuient sur le format ouvert H5P[3] et permet de gérer les versions successives, de définir les espaces de distribution, les licences et la cession de droits d’usage. Chaque auteur bénéficie également d’informations d’usages de ses ADN par l’exploitation des traces d’apprentissage.

Une fois publiés, les ADN se retrouvent sur le Serveur NaaS qui les stocke et les distribue aux plateformes pédagogiques de manière très performante. Il propose une interface standardisée LTI (Learning Tools Interoperability) complétée par une interface de programmation plus complète offrant des services avancés (p.ex., recherche, traces d’apprentissage, etc.). Le serveur NaaS s’appuie sur le « LRS - Learning Record Store » au standard xAPI[4] pour stocker les traces d’apprentissage en assurant l’interopérabilité nécessaire dans ce contexte. 

Parmi les plateformes pédagogiques, on compte en premier lieu les LMS basés sur Moodle qui bénéficient d’un plugin spécifique facilitant l’intégration des ADN « en un clic ». Les autres LMS sont également utilisables sans modification, avec le standard LTI qui assure l’authentification et le retour d’informations vers le LMS. Les plateformes de Micro-Learning sont un autre type de plateformes innovantes permettant un accès direct aux micro-contenus. Elles bénéficient de l’analyse d’apprentissage (Learning Analytics) visant, in fine, à fournir un enseignement adaptatif. D’autres plateformes d’apprentissage qui auraient besoin de micro-contenus peuvent être envisagées (p.ex., plateformes de serious game, etc.).

 Cas d’usages à l’ISAE-SUPAERO

Les ADN ont vocation à être exploités selon différents cas d’utilisations : formations initiales et formations continues professionnelles, au sein du campus ou à distance. Ils sont intégrés dans les cours, qu’ils soient proposés en présentiel, à distance ou selon une approche hybride.

En plus de pouvoir intégrer les contenus au sein de LMS, nous avons créé une plateforme de Micro Learning qui donne directement accès aux ADN. Plutôt que de les intégrer à des scenarii pédagogiques complexes, on laisse l’apprenant se construire son propre scénario. On lui offre des outils de recherche et de classement basées sur les métadonnées des ADN. Il aura donc accès à une base de plus en plus fournie de micro-contenus certifiés par l’établissement et son auteur. Outre les sélections statiques par discipline ou par auteur, on imagine ainsi pouvoir proposer des sélections dynamiques qui pourraient par exemple s’intituler « Continuez vos apprentissages... », « On vous recommande... », « Consultées en ce moment par votre promo... » ou encore « Révisez avec... ».

La réalisation des ADN requiert aussi un changement de paradigme dans la création des contenus. Désormais, quand on pense le découpage d’un MOOC, on a déjà en tête d’en faire de tels micro-contenus. Si on n’accompagne pas l’enseignant en amont, il y a peu de chances qu’il crée naturellement du contenu facilement réutilisable. Il ira probablement droit au but, en produisant du contenu pour répondre aux besoins spécifiques de son projet, alors que les ADN requièrent d’aborder des notions de manière décontextualisées. Les ADN n’ont pas vocation à constituer l’ensemble du cours, mais uniquement la partie réutilisable, probablement complétée dans le LMS par des apports spécifiques et des activités adaptées aux apprenants ciblés par le cours en question.

Plusieurs cas d’usages des ADN sont identifiés à l’ISAE-SUPAERO et chez nos partenaires :

  • Ils peuvent alimenter les produits en ligne, MOOC, SPOC ou autres dispositifs de ce type ;
  • Les classes inversées : l’enseignant propose une liste d’ADN à consulter en amont du cours puis, pendant le cours, il échange avec ses apprenants à un niveau qui n’est plus celui de néophytes. Il peut répondre aux questions difficiles ou faire un zoom sur une notion complexe.
  • Pendant un cours en présentiel ou à distance, il peut être utile à l’enseignant de montrer l’extrait d’une vidéo, un simulateur numérique, une expérience digitalisée ou l’énoncé d’un exercice spécifique. Ce cas d’utilisation des ADN permet de soutenir le cours avec du contenu prêt à l’emploi et d’encourager les apprenants à aller plus loin en étudiant en intégralité ce contenu.
  • C’est un outil utile dans la remédiation face à certaines lacunes ou de mauvaises compréhensions. C’est notamment le cas pour de la remise à niveau d’apprenants qui arrivent en formation avec un niveau insuffisant dans certains savoirs fondamentaux.
  • Dans le cadre d’APP (Approche Par Projet ou Par Problème), de projets individuels ou de groupes, les apprenants ont un accès direct à ces “briques de savoir” via la plateforme de micro-learning dans lesquelles ils viennent piocher au grès de leurs besoins. Par exemple, si un apprenant souhaite revenir sur la mécanique de l’atterrissage, il sait où chercher et peut le faire de façon autonome.
  • C’est une unité d’échange pédagogique, permettant de faciliter la coopération entre les membres d’un consortium ou dans un contexte inter-universitaire.

Nous avons développé au sein du groupe ISAE une plateforme de Micro-learning. Cette plateforme est aujourd’hui opérationnelle et les ADN open education sont visibles sans connexion, sur https://microlearning.groupe-isae.fr. Cette plateforme est mise à disposition de l’ensemble des apprenants du groupe.

De manière plus concrète, à l’ISAE-SUPAERO, on identifie par exemple une réutilisation opérationnelle des ADN spécialisés dans la Mécanique du vol au niveau de nombreux dispositifs pédagogiques très différents : MOOC grand public, complément de cours magistral pour la formation des ingénieurs SUPAERO, soutien dans ce domaine aux formations de Mastère Spécialisé® , à la formation des ingénieurs par apprentissage, à la formation continue des ingénieurs d’essais en vol, etc. Ces ADN sont également disponibles sur la plateforme de Microlearning.

Un autre exemple d’usage se situe dans le contexte de la feuille de route « Horizon » mise en place par l’ISAE-SUPAERO, sur les enjeux environnementaux. L’objectif est de sensibiliser les apprenants de Master aux enjeux climatiques en lien avec les problématiques de l’aviation. Un second objectif est de pouvoir réutiliser les ADN selon des modalités différentes pour les apprenants de la formation continue et des formations de Mastère Spécialisé® à l’ISAE-SUPAERO le matériel pédagogique développé pour l’occasion, Enfin, ces contenus peuvent pour certains être réutilisés pour la formation du personnel aux enjeux climatiques dans notre contexte d’activité. Nous avons développé une vingtaine d’ADN sur ces thématiques dans le cadre d’une collaboration entre l’ISAE-SUPAERO et l’ENM - École Nationale de Météorologie. Depuis leur création, plusieurs éditions de ce cours ont déjà eu lieu et remportent à chaque fois, un fort engouement auprès des apprenants. Les ADN sont disponibles à tous les apprenants sur la plateforme de Microlearning. Par ailleurs, pendant la semaine du climat, une sélection d’ADN a été aussi proposée aux personnels de l’établissement. Ce matériel pédagogique sera aussi proposé à certains profils d’apprenants de l’ENM. 

 Conclusions et Perspectives

​L’approche «  orientée service  » proposée par l’écosystème NaaS facilite la mise à disposition des ADN. Cela signifie aussi une bonne maitrise de la diffusion des contenus, une intégration facilitée sur des plateformes pédagogiques distribuées, de bonnes propriétés de maintenance des contenus et un suivi individualisé des apprenants. On peut aussi bien les intégrer à des scenarii pédagogiques complexes mis en œuvre pour différents cours ou différentes plateformes LMS, que les fournir directement via des plateformes de micro-contenus éditorialisées, où l’apprenant peut construire son propre scénario pédagogique selon ses besoins.

​​​​Du point de vue de la formation, la portée de l’innovation associée à la démarche concerne la transformation numérique de l’enseignement, avec un usage équilibré et mesuré des technologies et du présentiel et adapté au contexte proposé. Du point de vue technique, elle concerne le déploiement opérationnel de l’écosystème NaaS, support performant et robuste d’une stratégie EdTech efficace. Elle constitue aussi une démonstration opérationnelle et réussie de l’usage d’une telle approche pour la capitalisation et la réutilisation de contenus pour l’enseignement supérieur. ​ 

Dans le cadre de notre contrat d’objectif et de performance sur les années qui viennent, nous avons engagé la production d’un Mastère Spécialisé® en ligne avec notre partenaire l’ENAC, sur la thématique des transitions du secteur aérien. Ce projet nécessite la production de nombreux modules et in fine, de nombreux contenus numériques qui seront réalisés sous la forme d’ADN. Ces Nuggets pourront ainsi alimenter non seulement des produits numériques dérivés du Master en ligne, mais aussi les formations campus qui intègrent également ces problématiques.

On s’aperçoit aujourd’hui que le service offert par l’écosystème NaaS répond à des besoins opérationnels des établissements. Plusieurs projets sollicitent l’usage du NaaS afin de mieux partager ou s’échanger des briques pédagogiques numériques dans des consortiums d’établissements. Aussi, nous avons l’objectif de proposer l’écosystème NaaS dans des contextes plus larges que ceux aujourd’hui développés. Dépassant déjà le périmètre de l’ISAE-SUPAERO, nous pensons notamment qu’une démarche mutualisée entre établissements pourrait être propice au développement d’une véritable base de micro-contenus réutilisables permettant une capitalisation des contenus d’enseignement supérieur et leur utilisation efficace dans le contexte d’une approche technique souveraine. ​ 

 Références

  1. Voir la plateforme IREAL, https://ireal.isae-supaero.fr
  2. SCORM, pour l’anglais : Sharable Content Object Reference Model, est un ensemble de standards et de spécifications utilisé pour les systèmes de formation en ligne, en général des Learning management system ou LMS. Il normalise les communications et les formats d’échange de données, et définit précisément les paquets pour le transfert de fichiers.
  3. H5P, voir https://h5p.org
  4. xAPI, voir https://adlnet.gov/projects/xapi/
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